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Action directe de la victime et preuve des garanties d’assurance : rappel dans deux arrêts du 14 octobre 2021 de la Cour de Cassation

Par deux arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation rappelle en deux temps un principe bien établi  :  le tiers victime qui n’a pas démontré que la garantie de l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage est mobilisable doit être débouté de ses prétentions contre l’assureur. En revanche, dès lors que l’existence et l’application du contrat ne sont pas contestées, c’est à l’assureur qui invoque une limite de garantie de produire la police d’assurance pour en justifier.

Premier arrêt (Cass. 2e civ, 14 octobre 2021, n°19-25.723) :

Un maître d’ouvrage confie des travaux à une entreprise de travaux qui les sous-traite. A la suite d’un litige relatif à des désordres survenus sur l’ouvrage, manifestement imputables au sous-traitant qui en conséquence n’avait pas été intégralement réglé, l’entreprise est déboutée en première instance de sa demande de dommages et intérêts mais condamnée à régler à son sous-traitant le solde de son marché.  La liquidation judiciaire du sous-traitant étant prononcée, l’entreprise de travaux assigne en intervention forcée en cause d’appel le liquidateur et l’assureur de responsabilité du sous-traitant en intervention forcée.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’entreprise contre l’assureur, dès lors que l’entreprise fondait son action directe sur une attestation d’assurance qui – limitée à la couverture des dommages de nature décennale – était insuffisante à établir que la garantie de l’assureur était due au regard d’une dette de responsabilité dont le fondement n’était pas celui visé par l’attestation. La Cour de cassation en déduit que la règle selon laquelle il appartient au tiers victime exerçant l’action directe de rapporter la preuve de l’existence même de la garantie doit trouver application en l’espèce.

Autrement dit, il ne suffit pas de prouver que l’assureur, à l’encontre duquel l’action directe est exercée, apporte une couverture d’assurance au responsable, mais bel et bien de démontrer que la garantie recherchée existe.

Second arrêt (Cass. 2e civ, 14 octobre 2021, n°20-14.684) :

Un artiste plasticien confie deux toiles à une association pour une exposition qui lui seront rendues endommagées. L’artiste sollicite la condamnation de l’assureur de responsabilité de cette association à l’indemniser de son préjudice, par le biais de l’action directe. Si l’assureur verse bien une indemnité, reconnaissant ainsi l’existence et l’application du contrat d’assurance, il applique néanmoins deux retenues : l’une relative à la commission de 15%, l’autre à titre de déduction d’une valeur de sauvegarde.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel ayant débouté l’artiste de sa demande d’indemnisation de ces deux postes de préjudice en retenant que « lorsque le bénéfice du contrat qui a été souscrit auprès d’un assureur de responsabilité est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage, laquelle est un tiers, il incombe à cet assureur de démontrer, en versant le contrat aux débats, quelle est l’étendue de sa garantie pour le sinistre objet du litige ».

Le mérite de cette décision est de rappeler que la preuve que doit apporter l’assureur qui limite ou refuse sa garantie ne porte pas seulement sur les exclusions qu’il invoque mais également sur toutes les clauses susceptibles d’influencer la garantie, telles que celles relatives à la détermination du préjudice indemnisable.